Emprise sectaire, radicalisme et droit européen : De l’urgence d’une meilleure application de la Convention Européenne des Droits de l’Homme –Edito Avril 2015
9 avril 2015
Depuis plusieurs mois, « l’emprise sectaire » est au cœur non pas de l’actualité en général mais de celle, bien particulière, ayant trait au djihadisme. Comme si cette forme de mise en condition était désormais l’apanage de ce seul radicalisme décrié à longueur d’éditos et de pages. Comme si, par ailleurs, les organisations, utilisant de longue date les mêmes procédés d’emprise pour parvenir à leurs fins, n’existaient plus.
La réalité est tout autre. Profitant du tapage médiatique qui détourne l’attention de l’opinion publique d’elles, ces organisations continuent de prospérer. En toute tranquillité et impunité, parfois même « encouragées » par les errements médiatiques et/ou judiciaires. L’exemple de l’organisation des Témoins de Jéhovah est sur cette question un cas d’école.
L’exemple de l’organisation des Témoins de Jéhovah
Décriés par nos parlementaires depuis des années, les procédés de l’Organisation des Témoins de Jéhovah interpellent encore et toujours. Ce ne sont pas les dommages qui manquent. Nombreuses sont les familles brisées, déconstruites et remodelées par cette organisation aux apparences inoffensives.
Sous couvert de liberté de conscience, voilà des années que ses dirigeants usent et abusent des tribunaux et principalement des règles fiscales pour accéder au grand sésame de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en vue d’asseoir et de légitimer leur emprise sur leurs adhérents.
Des adhérents trompés dans leurs attentes spirituelles par ce masque de croyance dont le seul but est de les rendre dociles et serviles pour alimenter au mieux les intérêts financiers de l’organisation jéhoviste.
Docilité et servilité qui ne passent pas inaperçus sur notre territoire.
En effet, qui n’a jamais croisé sur les marchés, à la sortie du métro ou en tout autre lieu de rassemblement public, les regards vides de ces pères, mères, filles et fils de famille ?
Accrochés à leur écritoire promotionnel, comme des statues, les adhérents s’implantent dans nos allées et prennent bien garde de ne pas aller au-devant des passants au risque de se voir opposer l’interdiction du prosélytisme sur la voie publique.
Bien sûr, notre pays défenseur de la philosophie des Lumières, a bien tenté de faire face à cette organisation procédurière mais comment rivaliser face à des bataillons de fervents juristes qui n’ont d’autres missions que celle de faire plier notre pacte social et républicain pour se voir octroyer privilèges et avantages fiscaux ( quid du litige concernant la taxation des dons des fidèles ([1]) ainsi que celui concernant le régime de retraite des « ministres du culte de l’organisation des Témoins de Jéhovah »([2]) )
Une stratégie d’instrumentalisation fiscale mondiale qui, après les Etats Unis en son temps, n’épargne pas nos voisins britanniques ayant, eux aussi, à connaître de contentieux fiscaux avec le système de l’Organisation des Témoins de Jéhovah à en lire le dernier jugement rendu en date du 3 mars 2015 ([3]) par lequel la justice britannique vient ôter à l’association son statut de bénéficiaire d’exemptions fiscales susceptible de conduire la filiale de Grande Bretagne –une entreprise d’imprimerie – à la faillite ! A moins qu’elle ne déplace une nouvelle fois ses rotatives comme elle l’avait fait voici quelques décennies de Louviers en France vers la Grande Bretagne pour échapper alors au fisc et au séquestre.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme….
Toutefois et à l’instar de ce qu’a connu la France en 2012, il y a fort à parier que le contentieux sera mené jusqu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH).
Car rien n’arrête cette mécanique bien huilée, un temps ralentie par de nombreuses révélations mais qui, relancée par la CEDH dans le contentieux fiscal qui l’opposait à la France, a repris en main avec plus de vigueur encore ses adhérents. Nombreux sont les témoignages douloureux d’anciens adhérents qui nous parviennent de ce durcissement.
Criant haut et fort à la discrimination à son égard, c’est sans complexe que cette organisation impose à ses adhérents de rompre tout contact avec celui ou celle qui aurait refusé de suivre le même chemin.
Alors que certains magistrats français se sont dressés pour défendre les valeurs républicaines d’ouverture, de tolérance et de solidarité, ceux de la Cour Européenne des Droits de l’Homme sont restés sourds face aux cris de protestation d’ex-adhérents osant lever le voile sur les pratiques plus que honteuses de cette organisation.
Qui pour entendre ce père de famille désemparé face à l’embrigadement de son enfant ! Un enfant ayant à subir des enseignements lui assénant que la vie n’est rien à côté de l’organisation.
Bercé dès le plus jeune âge dans l’illusion de l’amour de cette dernière, on lui apprend très tôt à accepter l’idée de sacrifier sa vie pour servir les intérêts de l’organisation. Car derrière le refus du sang ([4]) se cache bel et bien une pratique symptomatique de l’emprise sectaire : l’acceptation déguisée que sa vie soit totalement régie par un tiers ! Une acceptation conduisant la personne qui subit l’emprise à la réalisation d’actes gravement préjudiciables pour sa personne ou celle d’autrui.
C’est par ce mécanisme particulier d’emprise sectaire que certains parents concèdent de mettre en péril les chances d’insertion sociale et plus grave encore de survie de leur enfant.
Un mécanisme conduisant non seulement à la mise en danger de l’individu mais aussi de la collectivité.
Malgré ces constats alarmants, il semblerait que la Cour Européenne des Droits de l’Homme fasse fi de l’Homme, au profit du lobbying d’une association prétendument « cultuelle » qui n’a de cesse, depuis des décennies, d’oppresser ses adhérents pour mieux servir ses intérêts financiers.
Alors que faire de plus que ce que nous ne faisons déjà ? C’est-à-dire permettre aux victimes de ce système destructeur de retrouver leur individualité et appeler à la vigilance l’ensemble de nos concitoyens sur les véritables intentions des dirigeants de cette structure mondiale.
Qui pour apporter un soutien psychologique, matériel et financier pour ces pères, ces mères, ces amis qui se retrouvent du jour au lendemain exclus de leur environnement familial et social pour avoir osé douter de l’organisation ?
… Et la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Il n’est nul besoin de nouvelles législations venant compliquer le circuit juridique existant.
Appliquons celles qui existent déjà en n’omettant jamais que la liberté de conscience n’autorise pas ceux qui la brandissent à s’affranchir du respect de nos valeurs démocratiques. Plutôt qu’une interprétation partielle de l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, les magistrats européens devraient revenir à l’essentiel et ne pas omettre les dispositions du deuxième alinéa :
« La liberté de manifester (…) ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Sinon, comment ces magistrats européens feront-ils, saisis par les dirigeants des pires formes de radicalisme, pour ne pas leur reconnaître, sans se déjuger, la même liberté de conscience leur permettant de continuer d’agir en toute tranquillité et impunité. Avec toutes les conséquences résultant de l’« encouragement » ainsi accordé ?
L’équipe du CAFFES
Pour tout contact : 06.08.35.09.58
[3]http://www.charity.tribunals.gov.uk/documents/decisions/Watch-Tower-ruling-03Mar15.pdf
[4] G. FENECH, Rapport parlementaire n°3507 fait au nom de la Commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, p.67 et suivantes, 2006, http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-enq/r3507.pdf