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09-12-2015 – L’APPEL DU JIHAD TOUCHE AUSSI LES FEMMES

10 décembre 2015

Par Benjamin MASSOT, publié le 09/12/2015 à 09:24 – Lille (AFP) – © 2015 AFP

Dépêche AFP reproduite dans une trentaine de journaux et revues comme La Croix, Le Point, L’express, Nouvel Obs, Elle…

Lille – Spécialiste des dérives sectaires, une association de Lille vient en aide aux familles touchées par la radicalisation islamiste, comme celle de Lydie, dont la fille unique est partie pour Raqqa. Selon le ministère de l’Intérieur, un quart des radicalisés en France sont des femmes.

Il y a an, Lydie, enseignante de 56 ans originaire du bassin minier, a osé pousser les portes du Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes), situé près de la gare Lille-Flandres. Comme tant d’autres mères – qui ont moins de réticences à venir que les pères -, elle a franchi le palier pour essayer de surmonter « la souffrance et l’impuissance » qui touchent toutes les familles victimes des dérives sectaires, selon les mots de Charline Delporte, la présidente du centre.

La fille de Lydie, qui était baptisée et avait fait sa communion, sportive et joueuse de violon, bien insérée socialement, s’est intéressée à l’islam lorsqu’elle est partie étudier à Lille, où elle était en classe préparatoire, fréquentant assidûment une mosquée de la métropole. Puis elle part dans le cadre de ses études à Leipzig et rencontre un Allemand converti et radicalisé.

Sans prévenir ses parents, ils se marient. Après avoir eu un enfant, ils partent à Raqqa en novembre 2014, le fief de l’EI en Syrie. Lydie n’a plus de nouvelles, via WhatsApp, de sa fille et de son petit-fils depuis cet été.

Pour faire face à cette épreuve, le Caffes, qui s’appuie sur le dialogue mais offre aussi un service d’accompagnement psychologique et juridique, lui a permis
« de partager sa douleur avec d’autres familles » confrontées elles aussi à la radicalisation de proches. « Ça n’arrive pas que dans les familles où les enfants sont délinquants ou désœuvrés », prévient Lydie.

« J’ai compris que je n’avais pas à culpabiliser. Ce n’est pas une honte. En tant que parent, on se demande ce qu’on aurait pu faire…Pourquoi notre enfant a changé comme ça ‘ Pourquoi est-il dans une dérive sectaire et qu’on est impuissant face à lui ‘ On avait beau dire à ma fille tout ce que l’on voulait, on n’y arrivait pas. C’était un mur », dit cette femme qui se rend dans des collèges de la métropole pour sensibiliser les plus jeunes.

Elle tient tout particulièrement à prodiguer des conseils aux parents directement concernés. « Surtout, il ne faut pas attendre. Si ça se passait maintenant, je n’attendrais pas de voir si ce n’est qu’un moment passager où elle se cherche… »

– ‘Beaucoup de jeunes filles’ –

« Avec la radicalisation islamiste, on est dans la même démarche qu’une emprise sectaire », estime Mme Delporte, 66 ans, ancien artisan fromager et qui a consacré une grande partie de sa vie à la lutte contre les sectes, dont avait été victime sa fille.

Comme pour une secte « classique », la personne manipulée passe d’abord par une phase de séduction, où le recruteur utilise une façade respectable et d’apparence inoffensive, promettant par exemple de servir une cause humanitaire. Puis vient la phase d’endoctrinement: à l’abri des regards extérieurs, la personne séduite perd tout sens critique. Enfin, arrive la rupture, où le manipulateur va isoler la personne séduite, la coupant de ses repères familiaux, professionnels ou sociaux.

« Au début, l’adolescent commence à parler de ce qui se passe au Moyen-Orient, disant que la guerre est due à nous. Puis le discours devient plus haineux et on assiste à un changement de comportement, on ne regarde plus la télé, on ne va plus aux fêtes ou l’on refuse d’aller voir grand-mère. Ensuite, on retire les photos, on change d’habits et on ne mange plus certaines choses qu’on adorait avant…C’est là que les familles doivent s’informer et ne pas attendre. Et surtout voir ce que fait le gosse, notamment sur internet », détaille Mme Delporte.

Selon elle, la particularité de l’endoctrinement jihadiste, outre « qu’il touche beaucoup les jeunes filles », est sa « rapidité » par rapport aux autres emprises sectaires.

« En à peine deux mois, tout le comportement de l’adolescent peut complètement changer », relève Mme Delporte, soulignant que les cas de radicalisme jihadiste constituent désormais un tiers de la centaine de dossiers gérés par le centre.